Veille sur le Mexique – 13 décembre 2021

Amériques et Caraïbes
Mexique : Andrés Manuel López Obrador profite du drame du Chiapas pour interpeller la politique migratoire américaine.
« Le malheur du Chiapas doit servir pour contenir les causes de la migration » a déclaré le président mexicain Andrés Manuel López Obrador après la mort d’au moins 55 migrants dans un accident de camion à Tuxtla Gutiérrez (État du Chiapas, frontalier du Guatemala) ce jeudi 9 décembre 2021. Le convoi transportait 150 personnes environ, provenant pour la plupart du Guatemala, pays frontalier au sud du Mexique. Ce nouveau drame, qui a fait la une des journaux nationaux et du continent américain, a encore une fois mis en lumière la principale cause des tensions régionales entre Amérique centrale et Amérique du nord : la migration clandestine.
« AMLO » a désigné la « corruption et les inégalités » comme principales responsables de cet accident et plus globalement des drames qui rythment la migration des Centraméricains vers les États-Unis. Il a par ailleurs critiqué les programmes d’aide américaine en Amérique centrale qui sont selon lui mis en place de manière bien trop lente et insuffisante. De plus, l’accident a conduit à la réactivation du programme MPP (Protocole de Protection du Migrant, aussi connu par son nom plus polémique de « Reste au Mexique ») conclu entre les États-Unis et le Mexique, qui stipule que les demandeurs d’asile latino-américains attendent au Mexique le temps que la procédure aboutisse. Ce programme de rétention de la migration clandestine, mis en place par l’ancien président Donald Trump, a concerné des dizaines de milliers de personnes en 2 ans et a impliqué de nombreux cas de violations des droits humains régulièrement dénoncées par les associations humanitaires. Au Mexique, les populations migrantes issues pour la plupart du Guatemala, du Honduras ou du Salvador, attendent dans des conditions très précaires dans un pays qu’elles ne connaissent pas et où elles sont souvent victimes d’exactions de la part des bandes criminelles.
Par ailleurs, l’armée mexicaine a été déployée aux frontières guatémaltèque et américaine afin de contrôler le flux migratoire, ce qui a entraîné la multiplication de nouvelles routes migratoires, plus dangereuses. Le pays traverse une des plus difficiles périodes de tensions migratoires de son histoire : 228 000 personnes ont été arrêtées et envoyées dans des centres de détention cette année (dont presque 83 000 ont déjà été expulsées vers leur pays d’origine), ce qui ne représente qu’une partie de l’immigration réelle. En outre, environ 123 000 demandes d’asile ont été enregistrées au Mexique cette année soit une multiplication par trois en 2 ans selon la Commission Mexicaine d’Aide au Réfugié (COMAR). Mexico City, la capitale, est en effet devenue une destination et non plus seulement une ville de transit pour les migrants en provenance d’Amérique centrale. Ce constat montre bien que la politique répressive menée conjointement par les gouvernements américain et mexicain depuis une dizaine d’années est totalement inefficace et même dangereuse, or c’est bien cette politique qui détermine en partie les (dés)équilibres dans la région.

Source : México y la migración: filtro o pasarela, El País, 13 avril 2019
Par Hugo Cerrajero