Veille sécuritaire – Honduras – Mexique – Iran – 29 novembre 2021

Afrique du Nord & Moyen-Orient
Moyen-Orient : Reprise des négociations sur le nucléaire iranien
Mercredi 3 novembre, l’Union européenne et le chef de la négociation iranienne sur le nucléaire A. B. Kani ont annoncé que les négociations sur le dossier du nucléaire iranien reprendront le 29 novembre à Vienne.
Suite au retrait unilatéral des Etats-Unis de l’accord de Vienne en 2018, les négociations n’avaient pas repris, d’autant plus que l’arrivée en juin 2021 du nouveau président ultra-conservateur E. Raïssi a entériné l’arrêt des négociations sur le nucléaire. Trois semaines après qu’une délégation de l’Union européenne ait échangé avec le vice-ministre des affaires étrangères A. Bagheri, la reprise des négociations portera sur la perspective d’un éventuel retour des États-Unis dans le JCPOA (l’accord sur le nucléaire iranien) et sur la « manière d’assurer la mise en œuvre complète et effective de l’accord par toutes les parties », a expliqué Josep Borrell, le chef de la diplomatie européenne.
Les membres du JCPOA (Russie, Chine France, Royaume-Uni, Allemagne et Etats-Unis) ont salué cette réussite diplomatique. « Nous pensons qu’il est possible de parvenir rapidement à une entente et de la mettre en œuvre aussi rapidement » a affirmé N. Price, le porte-parole du département d’Etat. Toutefois, les parties prenantes de l’accord de Vienne ont insisté sur le sérieux des intentions iraniennes, qu’un compromis diplomatique serait uniquement possible si Téhéran opte pour une attitude sérieuse. Pour autant, Washington reste méfiant quant à la sincérité de Téhéran et les soupçons de voir l’Iran gagner du temps restent grandissants, d’autant plus que l’Iran multiplie les avancées nucléaires depuis l’arrivée au pouvoir de E. Raïssi. (Par Paul Baudot)
Moyen-Orient : Israël et les Etats-Unis inquiets sur les avancées nucléaires iraniennes
Mercredi 24 novembre, Israël a fait part de ses inquiétudes quant aux avancées et aux reprises des négociations sur le dossier du nucléaire iranien. Dans une conférence à Manama, la capitale du Bahreïn, l’Etat hébreu a une nouvelle fois démontré son hostilité vis-à-vis de la République islamique d’Iran.
Le conseiller à la sécurité nationale israélien E. Hulata a prôné la fermeté que devait instaurer non seulement Israël mais également les Etats membres du JCPOA. Lors du Dialogue de Manama, forum annuel géré par l’Institut international pour les études stratégiques (IISS), E. Hulata a ainsi affirmé qu’Israël voyait d’un mauvais œil la reprise des négociations diplomatiques dès le 29 novembre. Selon E. Hulata, « L’Iran ne concédera rien simplement parce que nous le lui avons demandé gentiment. Ce n’est pas ainsi que le régime se comporte ».
A côté des craintes israéliennes vient s’ajouter l’avertissement américain envers Téhéran. En effet, le secrétaire américain à la Défense, L. Austin, a déclaré samedi 20 novembre que « les actions de l’Iran ces derniers mois n’ont pas été encourageantes ». Malgré la reprise des négociations à Vienne saluée par Washington, le chef du Pentagone réclame des avancées concrètes sur le dossier du nucléaire et souhaite également que les négociations se concentrent particulièrement sur le programme de missiles balistiques de l’Iran ainsi que sur ses actions déstabilisatrices dans la région par le biais de groupes terroristes.
La déclaration des États-Unis fait par ailleurs échos aux inquiétudes croissantes des alliés américains du Golfe, à propos non seulement de l’expansionnisme nucléaire iranien mais également de l’engagement de l’administration Biden au Moyen-Orient. (Par Paul Baudot)
Moyen-Orient : Iran, les stations-service paralysées suite à une attaque informatique
Mardi 26 octobre, la totalité des stations-service iraniennes a été touchée par une panne du système de paiement par carte. Qualifié de « cyberattaque » par les autorités iraniennes, cet événement marque une nouvelle étape dans la cyberguerre entre l’Iran et Israël.
Selon les mots d’A. Firouzabadi, secrétaire du Conseil suprême du cyberespace, cette attaque « pourrait être l’œuvre d’un pays étranger ». Bien que Téhéran n’ait pas formellement désigné le coupable, les autorités iraniennes supposent qu’il s’agit une nouvelle fois d’Israël. Au lendemain de l’attaque, seulement 5% des stations-service du pays avaient été reconnectées au réseau, et l’attaque s’était également étendue aux panneaux de signalisation routière. Il s’agit d’ailleurs de la cinquième attaque de ce genre en un an. Cette attaque n’est pas sans rappeler celle sur le site nucléaire de Busher, infecté par le virus Stuxnet en 2010 puis 2018.
Il est à noter que la question du carburant demeure ultrasensible en Iran, l’Iran étant d’ailleurs l’un des principaux producteurs au monde de pétrole (13% des réserves mondiales). Ces cyberattaques contre les services pétroliers iraniens exacerbent les tensions régionales, notamment entre Israël, fidèle allié de Etats-Unis, et l’Iran. (Par Paul Baudot)
Amériques et Caraïbes
Amérique du Sud : Honduras, une élection présidentielle sous tension
L’élection présidentielle hondurienne a eu lieu ce dimanche, et a vraisemblablement désigné Xiomara Castro pour succéder à Juan Orlando Hernandez (Parti national, conservateur). Ce dernier ne pouvait pas être candidat à sa réélection bien qu’il ait modifié la constitution du pays en 2017 afin de briguer un deuxième mandat présidentiel. Ces élections ont lieu dans un contexte politique et sécuritaire particulièrement tendu où des soupçons de fraude électorale étaient déjà dénoncés peu avant leur déroulement. Les principaux prétendants étaient au nombre de trois : Nasry Asfura (Parti national, conservateur), Xiomara Castro (Parti Liberté et Refondation, socialiste), femme de l’ancien président Manuel Zelaya et Yani Rosenthal (Parti libéral), qui a notamment été condamné à trois ans de prison aux États-Unis pour blanchiment d’argent en lien avec le narcotrafic.
Le pays traverse une période de crise politique depuis 12 ans maintenant, qui a débuté avec le coup d’État militaire contre le président Manuel Zelaya (juin 2009). Le Parti national s’est ensuite maintenu au pouvoir depuis cette date avec dans un premier temps Porfirio Lobo (2010 – 2014) puis Juan Orlando Hernandez (2014 – 2022). Après 8 ans de mandat, le bilan de ce dernier est malheureusement révélateur d’une situation applicable à de nombreux autres pays de la région puisque le Honduras est devenu un véritable « narco-Etat » gangrené par la corruption liée au narcotrafic, et qui reste un des États centraux au sein de la géopolitique de la drogue au niveau régional (il est situé sur le principal corridor entre la Colombie, grand pays producteur, le Mexique et surtout les États-Unis qui sont d’immenses marchés de consommation). Le président est ainsi impliqué dans le trafic de drogue entre la Colombie et les États-Unis : son frère, Tony Hernandez, a par ailleurs été condamné à une peine de prison à vie par la justice américaine, et aurait été l’intermédiaire entre le célèbre trafiquant mexicain El Chapo et le président Juan Orlando Hernandez (un million de dollars pour financer sa campagne de 2013). Ce dernier avait été réélu en 2017 au cours d’un processus électoral émaillé d’irrégularités (mystérieuse panne électrique le jour des résultats).
D’un point de vue sécuritaire, le pays reste un des plus dangereux au monde avec 36 assassinats pour 100 000 habitants, dont la majorité est perpétrée par arme à feu, qui circulent en grande quantité au Honduras et dans toute l’Amérique centrale. 200 familles honduriennes demandent l’asile chaque jour aux États-Unis (violence, faim ou catastrophes environnementales sont les principales causes de cette émigration) et tous les mois, environ 4000 Honduriens sont déportés en provenance des États-Unis, même si beaucoup retentent dès leur retour le périple vers ce pays. Par ailleurs depuis septembre 2020, « 63 cas de violences politiques et 29 assassinats » en lien avec les élections ont été recensés par l’ONU.
Le pays est révélateur des problèmes sécuritaires, sociaux et migratoires qui touchent la région. Le système politique néolibéral imposé par le gouvernement du Parti national a provoqué une inflation importante : les prix de l’essence et de l’électricité y sont aussi élevés qu’en Europe tandis que le pays produit plus d’énergie (électrique surtout, à travers ses nombreux barrages) qu’il n’en consomme. Le gouvernement a par ailleurs inscrit l’interdiction totale de l’avortement et du mariage homosexuel dans la Constitution au début de l’année 2021. Le défi est donc immense pour la nouvelle présidente, dont l’élection est une lueur d’espoir pour le pays, au cœur d’une région gangrenée par des problèmes similaires. (Par Hugo Cerrajero)
Amérique centrale : Mexique, la politique sécuritaire du président Andrés Manuel López Obrador mise à l’épreuve
Le président « AMLO » a dépêché l’envoi de 210 soldats de la Garde Nationale en renfort des 1744 déjà déployés dans l’État de Zacatecas (voir carte) suite à l’explosion de la violence liée au narcotrafic dans cet État du centre-nord du Mexique. En effet, 440 assassinats ont été recensés en 3 mois soit une augmentation de 56,4 % par rapport à la période similaire en 2020 (ce qui porte le total à 1277 victimes du crime organisé cette année). En réponse à la recrudescence de la violence, un « Plan d’appui au Zacatecas » a été annoncé par le ministre de la Défense Luis Cresencio Sandoval (210 soldats, 250 agents de sécurité et trois hélicoptères de combat envoyés en renfort). Le Zacatecas est le nouveau lieu d’affrontement privilégié des deux cartels les plus puissants du Mexique, le cartel de Sinaloa et celui de Jalisco Nouvelle Génération, alors qu’il avait été relativement épargné ces dernières années. Ces affrontements sanglants s’expliquent par la position stratégique de l’État car il est situé au centre du pays et les routes qui le traversent constituent un point de passage obligé pour accéder aux côtes Pacifique via les États de Jalisco et Nayarit (ouest), du Golfe du Mexique via San Luis Potosí (est), et entre le centre (Guanajuato puis Mexico City) et le nord du pays qui ouvre sur les États-Unis (Durango, Chihuahua, Coahuila et Tamaulipas). Les récents évènements ont été particulièrement relayés par les médias mexicains à cause du choc des riverains vis-à-vis des méthodes employées par les cartels : on observe en effet un phénomène inquiétant de cadavres pendus le long des ponts des principales municipalités de l’État (57 cadavres pendus en 3 mois) qui témoignent d’une volonté d’intimidation des autorités et de la population par les cartels.
La volonté affichée du gouvernement est de lutter « contre les causes » de ce phénomène, et c’est pour cela qu’un travail interministériel a été mis en place pour traiter cette question de la violence liée au narcotrafic en privilégiant le combat contre la pauvreté, les inégalités et la corruption (ministères de l’Éducation, de la Santé, de l’Agriculture et de l’Environnement mobilisés), même si la militarisation de la réponse politique semble pour le moment privilégiée. Cette stratégie gouvernementale a été résumée par le slogan « des étreintes, pas des coups de feu », mais les alternatives économiques et sociales proposées peinent à montrer leur efficacité tandis que la violence se maintient.
Par ailleurs, la politique sécuritaire du Zacatecas a été remise en question par le délitement des forces de l’ordre. Les unités de police de neuf municipalités de cet État ont déserté comme à Ciudad Cuauhtémoc (moins de 15 000 habitants) où le maire a appelé ses concitoyens à ne pas sortir de chez eux puisqu’il avouait la semaine dernière être dans l’incapacité de les protéger après la désertion de la police locale (à cause de la vague de menaces, disparitions et d’assassinats de policiers). Le Zacatecas n’est pas un cas isolé au Mexique, puisque les États du Michoacán, de Guerrero (sud) et de Sonora (nord-ouest) sont particulièrement touchés par le crime organisé et l’État fédéral mexicain y semble impuissant. (Par Hugo Cerrajero)